Le dossier des emprunts russes

A la fin du 19ème siècle, l'Europe vit sous la loi des alliances. Alors que l'Allemagne et la Russie s'éloignent, Saint-Pétersbourg et Paris se rapprochent. La Russie a besoin d'argent et la France d'amis pour faire face à la Triplice (l'Allemagne, l'Autriche et l'Italie). La "slovophilie" tourne à l'hystérie. 

En 1888, Moscou émet quatre emprunts de 500 millions de francs-or, sous la bénédiction des pouvoirs français publics. L'Alliance franco-russe de 1891 assure le succès des emprunts qui se multiplient. Les épargnants se ruent aux guichets des banques pour faire acte de patriotisme et prêter à Alexandre III (on construira même un pont à Paris sur la Seine qui porte son nom), puis à Nicolas II, à la Ville de Moscou, ou aux chemins de fer de Semiretchensk...

Avant la Grande Guerre, l'opposition à Nicolas II intervient déjà auprès de Georges Clémenceau pour mettre en garde le gouvernement français contre le risque de non-remboursement.

En 1904, la guerre russo-japonaise provoque une panique. Mais les banques, qui y trouvent leur intérêt, se font rassurantes. Les épargnants "reprennent" alors pour 400 millions de bons du Trésor Russe. En 1914, 1,6 millions de petits porteurs ont prêté 12 milliards de francs-or à un empire au bord du gouffre. La France est devenue le premier créancier de la Russie.

La Révolution d'Octobre 1917 brise le rêve et ouvre une attente qui se prolongera longtemps. Le 25 octobre 1917, les Bolcheviks triomphent à Moscou. Le 7 novembre, les derniers coupons sont payés en France. Deux mois plus tard, Lénine décide de ne plus reconnaître les dettes de l'ancien régime !

En 1921, Lénine propose aux Occidentaux de coopérer à la reconstruction de l'économie soviétique contre le paiement des emprunts. En 1927, les Soviétiques proposent de régler le quart de la dette française en échange de l'ouverture d'un crédit commercial. Mais cette proposition ne concerne que les porteurs, négligeant les banques et l'Etat, et se heurte au refus de Raymond Poincarré.

A chaque visite à Paris d'un chef d'Etat de l'ancienne Union Soviétique, ou à chaque déplacement à Moscou d'un représentant français, les bouffées spéculatives vont ressurgir. En 1990, Mikhaaïl Gorbatchev annonce qu'il va étudier sérieusement le règlement des emprunts impériaux, sans toutefois en préciser le calendrier et les modalités.

Le Traité franco-russe du 7 février 1992 est signé par la Fédération de Russie afin de mettre un terme à l'attente de 400.000 porteurs français de titres russes, héritiers d'1,6 million de patriotes, ruinés le 14 janvier 1918.

La Russie assure posséder les moyens et avoir l'intention d'honorer ses dettes, ne serait-ce qu'en mobilisant les 532 milliards de francs d'avoirs tsaristes, dispersés dans les banques du monde entier et dont la Russie revendique la propriété. L'AFPER (Association Française des Porteurs d'Emprunts Russes) estime alors à 1.000 milliards de francs le montant dû à la collectivité française, dont 160 milliards pour les petits porteurs.

Mais pendant longtemps, l'emprunt russe va rester à mi-chemin entre l'espoir financier et l'objet de collection...

En 1995, la première élection présidentielle française depuis le démantèlement de l'URSS donne une occasion de relancer le débat du remboursement des porteurs de titres russes français. A cette époque, les Français sont les seuls Européens, avec les Belges et les Hollandais, à ne pas avoir été remboursés.

Ce n'est qu'en 1997 qu'est signé un accord entre la Russie et le Gouvernement Français pour le dédommagement des petits épargnants. Les actions doivent alors être recensées afin de déterminer la répartition des sommes à verser.


Le dossier des emprunts russes en Grande-Bretagne

En juillet 1987, les autorités soviétiques indemnisaient 3.677 porteurs de titres émis par des sociétés russes avant le 7 novembre 1917.

Les capitaux de la Russie Impériale, gelés depuis plus de 70 ans dans les coffres de la banque Baring Brothers and Co. Ltd. à Londres, avaient été mis à contribution.

En juillet 1987, le titre s'échangea à 54% de sa valeur nominale, ce qui représenta un remboursement tout juste symbolique...



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